Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le système concentrationnaire nazi fut une terrible machine à tuer.
Des piles de vêtements et de cheveux
En se rendant au camp d’Ohrdruf, annexe de Buchenwald, le général Eisenhower déclara avoir subit « le plus grand choc de sa vie ». Il ordonna alors que tous les soldats qui n’étaient pas indispensables sur le front voient le camp « afin de savoir contre quoi ils se battent ».
À la libération les alliés découvrirent des piles de vêtements, de chaussures (à Auschwitz, Belzec, et Maôdenek), de lunettes, de prothèses, entassés dans les pièces, jusqu’au plafond. Des piles de bagages éventrés, de blaireaux, de peignes, de casseroles, et même des piles de cheveux, de dents en or, de corps calcinés, de corps non brûlés…

« Avec ce qu’on lit dans les bouquins, ça devient banal. Le voir, c’est autre chose. Je ne sais pas si on réalise vraiment », commente Sophie, une élève qui visite les camps plus de 50 ans après. Elle ne cite rien de précis mais son silence renvoie aux tristes vestiges découverts quelques minutes plus tôt : des tas de lunettes et de brosses à dents, des amas de chaussures, des vêtements d’enfants, des valises marquées au nom de leur propriétaire, et, sur 20 m de long, des tonnes de cheveux de femmes, qui continuent de blanchir.
Tonte des femmes
Couper d’autorité les cheveux des femmes et des jeunes filles à leur arrivée au camp de concentration est une mesure humiliante :
« Nous sommes arrivées à Auschwitz au petit jour. […] On nous a conduites dans une grande baraque, puis à la désinfection. Là, on nous a rasé la tête et on nous a tatoué sur l’avant-bras gauche le numéro de matricule. Ensuite, on nous a mises dans une grande pièce pour prendre un bain de vapeur et une douche glacée. Tout cela se passait en présence des SS, hommes et femmes, bien que nous soyons nues. Après, on nous a remis des vêtements souillés et déchirés, une robe de coton et une jaquette pareille. »
Témoignage de Marie-Claude Vaillant-Couturier, résistante française déportée à Auschwitz en 1943.

Les femmes passent par les coiffeurs, qui leur coupent les cheveux au plus court, car l’industrie allemande utilise les cheveux des victimes pour fabriquer du feutre ou rembourrer des matelas. Puis les femmes sont gazées.
Sept tonnes de cheveux se trouvaient encore stockés à Auschwitz lorsque le camp fut libéré par l’Armée Rouge, dernier vestige de 140 000 femmes gazées ; la récolte totale a du donc être d’une ou deux centaines de tonnes en tout.
Récupération et recyclage
Il existait au camp d’Auschwitz, trente baraques qui, dans le jargon du camp, étaient appelées « le Canada » (terre d’abondance) ; la désignation finit par devenir officielle. On y entassait les biens que les déportés avaient amenés sur eux. Ces biens étaient ensuite triés par des équipes de détenus, et étaient ensuite utilisés par l’état nazi de diverses manières.
Les SS procédaient à la récupération systématique, puis au recyclage de tout matériau transformable, y compris les cheveux. Les économistes du III Reich avaient organisé avec minutie, une récupération qui s’étendait aux corps même des victimes.
« On nous fait déshabiller complètement, mettre tout nus. On nous enlève ce que nous pouvons avoir sur nous de métaux précieux : des alliances, des bagues. Même ceux qui ont des dents en or, on leur arrache avec des pinces. Parce que l’or, c’est le trésor de guerre absolument indispensable à la machine de guerre allemande. Puis […] Ce sont des tondeuses. Et on va nous raser, nous tondre… »
Témoignage d’Armand Giraud, résistant vendéen déporté à Buchenwald en 1943.

L’utilisation industrielle des cheveux humains avait été ordonnée par la circulaire ci-contre. De telles circulaires, mieux que des grands discours, révèlent les abîmes de la folie planificatrice dans lesquels avaient sombré les dirigeants du III Reich. On récupérait aussi, à Auschwitz, les ossements non incinérés (faute de place dans les crématoires, ou pour quelque autre raison) ; ils étaient vendus à la firme Strem, qui les utilisait à des fins industrielles. Avant d’incinérer les cadavres dans les crématoires, on inspectait les dentures, pour extraire l’or dentaire, comme on le fait dans tous les camps de concentration.